Les risques du métier

On nous avait prévenus. On a fait attention. Mais on ne peut pas tout prévoir…

Jeudi dernier, après la visite guidée des villes indiennes des environs de San Cristobal de las Casas, nous décidons de quitter la ville pour continuer notre visite du Chiapas. Pas réellement décidés sur la suite des événements, nous hésitons à faire 5 heures de bus pour Palenque ou à faire étape à mi-chemin, ce qui permettrait de visiter d’autres ruines moins courues et d’avoir du temps avant la nuit pour trouver un hôtel. Finalement, après quelques hésitations, nous filons à l’hôtel récupérer nos affaires et gagnons la gare en milieu d’après-midi. Le prochain bus pour Palenque est à 15h40, un peu plus cher que prévu, mais la chance nous sourit, le timing est parfait car nous n’avons que 20 minutes à attendre. Du coup on se décide pour aller à Palenque directement. On comprend en montant dans le bus pourquoi il est plus cher : c’est un bus « ejecutivo », le top du top, on nous offre une boisson en vérifiant nos billets, on a droit à des écouteurs pour regarder le film (c’est surtout bien si on ne veut pas regarder le film d’ailleurs, ça permet d’être tranquille et de ne pas entendre la télé ou la radio brailler), les fauteuils sont super confortables, bref, nous sommes tout contents de nous retrouver dans ce bus.
Nous nous mettons à l’aise, alternant visionnage plus ou moins actif des films, lecture (pour moi), rêveries en musique ou non et roupillons tranquilles pendant que le bus fait son petit bonhomme de chemin entre San Cristobal et Palenque. Le bus roule souvent à une allure modérée, obligé qu’il est de ralentir, entre les virages serrés et les violents ralentisseurs qui encombrent son chemin. Céline a rapidement mal au coeur, la route n’est pas aussi terrible que celle de Cilaos mais quand même.
La nuit tombée depuis un petit moment, le bus s’arrête juste après un ralentisseur. J’écoutais alors paisiblement mon I-Pod, à moitié endormi. Céline, côté couloir, regarde la route pour ne pas avoir de haut-le-coeur. Elle me dit « On se fait attaquer! ». Je ne réponds rien mais pense qu’elle déraille. Le film s’arrête, les lumières du bus se rallument et les portes s’ouvrent. Mon coeur fait un bond quand je vois débarquer dans le bus deux étranges personnages, cagoulés et armés de machette. « Oh putain!! » doivent être à peu près mes premières pensées à leur vue. J’ai entre les jambes le sac qui contient l’ordinateur, le disque dur externe, les appareils photos, et sur mes oreilles l’Ipod. Dans ma poche, le porte-monnaie avec les sous que l’on vient de retirer. Vite, je planque l’Ipod sous mes cuisses. Les deux énergumènes s’acharnent sur les premiers rangs, mais nous ne sommes pas loin derrière. Céline me dit à voix haute ce que je pensais en les voyant s’approcher : « Donne leur tout le fric! ». Quand l’un des deux arrive à notre hauteur et nous menace de sa machette, je lui donne le porte-monnaie, il nous apostrophe : « Billettes?? », on fait signe que oui; il a l’air satisfait et continue son chemin. Le deuxième arrive pour réclamer à son tour, on lui fait signe qu’on a tout donné à son copain. Quand ils repassent devant nous pour sortir du bus, ils s’arrêtent à nouveau. Celui qui nous a déjà pris l’argent me tend sa machette en criant un truc, je comprends qu’il veut que j’ouvre mon sac. En réalité, il dit « Hora » et c’est à ma montre qu’il en veut, heureusement que Céline me le dit avant que je ne fasse n’importe quoi… Je suis bien content à ce moment-là de ne pas avoir pris ma belle montre pour le voyage mais celle payée 15 euros chez Go Sport… Il me la prend, regarde celle de Céline qui ne lui dit rien qui vaille (il a bien raison, ce n’est qu’une montre Calvin Klein, elle a dix ans certes, mais je pense que sa valeur marchande est quand même bien supérieure à celle de ma montre gadget) et regagne la sortie du bus. Nous sommes à la fois sonnés et soulagés. On a « sauvé » l’essentiel, et même si on doit faire partie de ceux qui ont subi la perte financière la plus lourde en terme d’espèces (environ 200€), l’addition aurait pu être nettement plus salée puisqu’ils sont repartis avec les appareils photos d’autres passagers.

Le soulagement fait rapidement place à de l’incompréhension : pourquoi le chauffeur s’est-il arrêté? Les « assaillants » étaient en effet 2 adolescents qui avaient l’air d’avoir aussi peur que nous et d’ailleurs on se dit que ça n’aurait pas été très dur de les maîtriser, mais personne n’a osé prendre ce risque, ce qui est sans doute le plus sage. Pourquoi le chauffeur ne dit rien après ce qui s’est passé, et ce malgré les pleurs de certains passagers? (dont une femme enceinte). Serait-il de mèche? Nous ne le saurons pas. Il est 20h30, nous sommes encore à 50 km de Palenque et forcément, chaque ralentissement du bus va maintenant être surveillé par tous les passagers…
Je réalise rapidement que je n’ai jamais eu peur pour notre intégrité physique et en me remémorant la scène je réalise à quel point j’ai l’impression que nous nous sommes fait attaquer par des amateurs.

Le lendemain, nous allons porter plainte après la visite des « ruinas » de Palenque, les policiers sont très aimables et au courant du problème. En allant photocopier la déclaration avant de la poster, le gars qui tient la « papeterie » nous tient tout un discours comme quoi c’est la faute du gouvernement qui laisse les indiens faire ce qu’ils veulent…
En tout cas on ne s’est pas fait attaquer par des zapatistes, comme ça peut arriver parfois (mais dans ce cas ils demandent plutôt une participation pour aider leur mouvement en l’expliquant) mais bien par deux (trois?) petits voyous de bas étage.
La bonne nouvelle c’est qu’on devrait se faire rembourser presque tout l’argent. Ca ne nous a pas traumatisé, on attend maintenant avec impatience les bus guatémaltèques, réputés pour les vols mais sans violence cette fois!

PS (Céline) : Sur le coup tout s’est passé super vite et on n’a pas trop eu le temps de réaliser ce qui se passait. Bien sûr après coup, on se dit « et qu’est ce qui se serait passé si… »
PPS : Ca fait maintenant une semaine que cet “incident” s’est produit, nous sommes maintenant dans le Yucatan et tout va très bien au bord de la mer!

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19 réponses à Les risques du métier

  1. Adeline dit :

    ouah la la je suis toute tremblotante…
    Morale de l’histoire: prenez des bus pourris!!!!
    Ca devait vraiment être des amateurs pour passer à côté des ordis, appareils photos et ipod…

  2. christine dit :

    Quelle aventure le Mexique (ça commence fort) mais c’est un moindre mal et l’essentiel, c’est que vous n’ayez rien subi physiquement tous deux ; tant mieux aussi pour l’ordi et le matériel photos car sans eux, nous aurions été privés de vos nouvelles et photos (pas de photo de ce bus magnifique ?). Bravo à tous deux pour votre sang-froid face à ces événements et aussi à Céline pour sa réactivité ! le narrateur nous fait très bien vivre la scène dans le calme (et presque la sérénité) et sans trop de panique.
    Vous avez bien mérité votre repos en bord de mer et attention aux coups de soleil maintenant.
    A très bientôt et de gros bisous à tous les deux.

  3. Michel dit :

    Wouahh !!
    Alors l’aventure a donc vraiment commencé. Pas de chance puisqu’il ne s’agissait en fait que de petits amateurs… A quand les grands frissons ???
    Nous avons quand même pu apprécier la maîtrise de l’espagnol de Ronan. Manifestement “Hora” doit être du niveau genre 5éme année …… en revanche, il a de très bon talents d’écrivain. On s’y croirait nous aussi !!
    Trêve de plaisanteries, j’imagine que dans ces cas là on doit avoir un peu “la tête qui bloque” comme on dit chez nous!
    Voilà en tous cas une confirmation de ce que vous savez qu’il risque de vous arriver à nouveau.
    Et finalement, il vaut certainement mieux commencer par ce genre d’incident et vous serez aguerris pour la suite du voyage.
    j’ai adoré votre “on attend maintenant avec impatience les bus guatémaltèques”……
    Gros bisous

  4. hipopom dit :

    Hé bé ! Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que cela parte en sucette ! En tout cas content de voir que ce ne fut pas trop grave.
    Reposez-vous bien pour mieux repartir ensuite.
    Biz

  5. Micheline/james dit :

    Coucou,
    Je suis attérrée parce que je viens de lire mais en voyant dans l’intitulé “Risque” je me suis dis qu’il s’était passé quelque chose.Bravo pour votre sang froid mais quelle peur vous avez dû avoir.Vous avez sauvé tous vos appreils c’est déjà beaucoup et heureusement vous n’avez pas eu de sévices.
    Si vous récupérez votre argent, vous l’aurez bien mérité.
    Bon séjour et bonne détente au bord de la mer.Très grosses bises.

  6. Pierre dit :

    Bravo pour le sang froid en tout cas et comme on dit du coté de Nantes: “Plaie d’argent n’est point mortelle”

    Bises

  7. charlotte dit :

    Heureusement vous êtes maintenant sur l’Ile de la Tentation ! Et si vous achetiez une machette aussi ??

  8. Claire dit :

    Gloups…
    Dire qu’on doit faire ce même trajet en bus dans 3 semaines !!!
    Bravo Céline pour ta traduction instantanée de “hora”, tes révisions du jeudi soir ont porté leurs fruits 🙂

    Allez, attention à vous et à bientôt

  9. Anna dit :

    Putain!!!!!!!!!!!!!!!!
    Désolée mais votre histoire m’a ruiné mon élan littéraire!
    Faites bien attention à vous, et évitez de vous endormir avec toutes vos affaires à portée de main pour le premier venue.
    Quand on allait à Madagascar avec mes parents, on évitait tout “signe ostentatoire” de richesse de manière à éviter les problèmes : pas de bijoux, pas de montre, je ne parle même pas des ipod et des ordinateurs, évidemment.
    Y a un autre truc qui est pas mal : les bananes plates que tu portes près du corps sous un T-shirt. Ca ne se voit pas : tu peux y mettre ton fric. Tu gardes évidemment un porte monnaie dans lequel tu mets aussi des sous , mais juste ce dont tu as besoin dans la journée.
    Evitez de nous refaire des frayeurs comme celle là quand même.
    Bises à vous

  10. die Blonde dit :

    ça y est Ronan, tu l’as enfin faite !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    (je parle de ta première faute d’orthographe, hé hé hé hé hééééééééééééééééé !)

    bon en même temps, je sais, c’est pas cool de me foutre de ta gueule après avoir lu votre message un peu… flippant ? ça doit être l’émotion qui t’a ENFIN fait faillir ! 🙂

    allez gros bisous et bravo pour votre sang froid !! (moi j’aurais tout filé tellement j’aurais flippé )

    Et bons coups de soleil sur la plage.

  11. Ronan dit :

    De quoi tu parles Jeanine? ;o)

  12. Josette dit :

    Après ce récit haletant, l’on si croirait. Ouf rassurée qu’il n’y ait eu plus de peur que de mal.
    Le début du scénario est en route…, le tournage pour bientôt…

    Malgré tout, c’est “rassurant” de savoir qu’au Far West même si les diligences ne sont plus tirées par des chevaux et que des sleeping cars les ont remplacés, les attaques et les bandits de grand chemin susbistent toujours. Bravo pour l’organisation du Tour Opérator ! Les valeurs sûres font toujours recette !
    Continuez à garder votre sang froid , reposez-vous bien, poursuivez votre prériple avec vigilance et sans parano…

    Gros bisous de nous,
    Josette

  13. Clem & Ju dit :

    Dediou, ça file les chocottes votre histoire de bandits des grands chemins, le sang froid du narrateur a plutôt tendance a nous rassurer, merci Ronan pour nos nerfs !
    En même temps, je me dis en regardant les photos du périple, que devant de si beaux lieux visités, l’incident est vite oublié.
    Superbe début de parcours, c’est sympa de pouvoir vous suivre à la trace, grâce à vous on a un peu l’impression d’y être ! Bonne route et gros bisous à tous les deux.

  14. Anne marie et Fifi dit :

    Hello,

    Nous prenons le train en marche mais nous nous sommes plongés dans votre aventure avec passion…
    que dire ! tout y est ! un couple charmant et drôle, le voyage, des endroits merveilleux, des photos superbes et aussi (mais surtout) des récits haletants (comme l’attaque du bus). Toutes les émissions de télé réalité vont pouvoir aller se rhabiller. Le nec plus ultra serait d’intégrer quelques photos un peu HOT (çà plaît !).
    Blague à part, on vient de débarquer sur le blog et on découvre votre mésaventure… Whaouh… il est vrai que maintenant on va attendre vos prochains commentaires avec impatience afin d’être rassuré. A part çà, c’est vraiment génial de pouvoir partager ces moments avec vous.
    Alors si vous voyez que dans les prochains jours tout se déroule comme sur des roulettes, faites semblant et inventez nous des histoires abracadabrantesques pour nous faire encore frissonner.
    Vivement le prochain épisode.
    On vous embrasse bien fort et surtout take care !

  15. Alice Redon dit :

    hello, un petit coucou pour vous dire que je profite bien de vos aventures pour voyager tout en étant les fesses vissées devant mon ordi

    bon trip !

  16. Olivia d'India dit :

    Hello, Hello….
    Une journée où n’ayant aucune envie de travailler je me suis mise à réfléchir… Sur ce que je voudrais faire de ma vie et comment je pourrais m’exprimer de façon artistique (pas une mince affaire pour moi:)! Après avoir visité 2, 3 sites de comment apprendre à créer ses vêtements!! Ouais, ouais c’est pas une blague! Le naturel revient au galop et me voilà à rêver de voyages… C’est ça que j’ai envie de faire! 2 petits neurones se connectent et bam! Me voilà sur le site de Céline et Ronan pour la première fois. Tellement cool! Le bon article pour attirer le lecteur: action & aventures sont au programme! J’achète… me mets à l’ordre du jour. Merveilleux, en plus y a une newsletter! Cela signifie t’il que même si l’idée (de génie) ne me traverse pas d’aller faire un tour sur Pouce Dos Tres, quand même je pourrais suivre vos périples. Très, très bon ça! Donc bon maintenant va falloir la faire fonctionner… Parce que j’ai essayé de m’inscrire mais suis pas convaincue que ça ait fonctionné:).
    Enjoy, enjoy my friends! La vie est courte!
    Keep smiling around the world.

  17. Tibulle dit :

    le pays a peu changé en 10 ans : il s’était passé la meme chose sur la meme route (avec des bus de qualités un peu moins top), mais cette fois-ci avec des militaires. A la différence qu’ils ont fouillé tout le monde et contrôlé l’identité sans rien voler…
    la description de Ronan Hemingway m’a vraiment rappelé la scène : réveillé par le bus qui s’arrête en pleine nuit sans savoir pourquoi, des gars armés (pas de machettes mais des fusils de guerre), aucun mot et 20 minutes plus tard on reprend la route sans vraiment réaliser…
    l’aventure quoi !

  18. FITTES Philippe dit :

    Salut les routards,

    Je n’ai pas encore laissé de message, mais je suis votre périble sud-américain avec intérêt. Le récit de Ronan est intéressant même s’il n’a pas encore égalé Albert Londres. En ce qui concerne les bandits de grands chemins, pensez à vous procurer deux machettes pour entamer les discussions prochaines.

    J’ai apprécié les photos du site de Palenque qu’il aurait été dommage de zapper ne serait-ce que pour lecteurs (J’en rêve depuis longtemps).

    Bises à tous les deux

    Philippe

  19. Jef dit :

    OMFG
    incroyable cette histoire!

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